Le grand sélecteur
- charmasville
- 15 déc. 2021
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 déc. 2021
Ce post était en cours de rédaction (voir plus loin) lorsque France Inter, "la Terre au carré" du 15/12/2021 a traité ce même sujet avec 2 invités, Marie-Laure le Louarn et Guillaume Lecointre. Voici quelques liens:
La Terre au carré à du 15/12/2021:
Un livre:
Une conférence:
Cette conférence de Guillaume Lecointre, m'avait mis mis sur la piste de la compréhension de la sélection naturelle. Elle faisait partie d'un merveilleux cycle de conférences et d'une exposition autour de Darwin:
JR 15/12/2021

POST EN COURS DE FABRICATION depuis quelques semaines et non achevé (JR le 21/12/2021):
Le principe de fonctionnement de la "Sélection Naturelle" est très souvent mal compris. Cela tient à ce que cette "mécanique" est contre intuitive. Comme vous allez le voir, on peut facilement confondre causes et conséquences.
Faut-il préciser que l'on doit à Charles Darwin (1809-1882) d'avoir franchi un pas décisif dans la compréhension de l'évolution du vivant, en y introduisant la Sélection Naturelle comme "moteur" de l'évolution? Non sans difficulté d'ailleurs car il a dû se battre pour convaincre ses pairs et encore aujourd'hui on parle bien souvent de "Théorie de la sélection naturelle" et de "Théorie de l'évolution" ce qui montre que chez certains, le doute persiste sur cette réalité incontournable. Pas chez les scientifiques et plus particulièrement les naturalistes, biologistes, botanistes et autres spécialiste du vivant pour qui la sélection naturelle est la grammaire de base.
Première chose à retenir: Il ne peut y avoir d'évolution des espèces animales ou végétales, au cours du temps, sans la Sélection Naturelle, sans reproduction, et encore d'autres petites choses telle que la mort...
PSN: La Sélection Naturelle est une notion un peu vague. Il vaut mieux parler de Pression Sélective Naturelle (PSN), qui serait en quelque sorte le bras armé de la Sélection Naturelle. La PSN est exercée par le Milieu sur un individu qui évolue dans ce Milieu.
Milieu: Dans le cadre de ce post (traitant de la science de la sélection naturelle), le Milieu est un espace délimité dans le temps et dans l'espace au sein duquel des ressources permettent à des entités organiques de survivre. Il faut de la nourriture et d'autres ingrédients (air, eau, etc.) selon les besoins de ces êtres vivants. Si un être vivant se trouve dans ce milieu, c'est qu'il y trouve ce qu'il faut pour survivre, sinon il n'y est pas. S'il est dans ce milieu et que le milieu change une nouvelle PSN s'exerce sur lui et, soit il survit, soit il ne survit pas. Exemple: le milieu d'une bactérie du microbiote intestinal est l'intestin. C'est un milieu anaérobie, c'est à dire sans air, ou plus précisément sans dioxygène.
Au cours de sa croissance, un individu d'une espèce peut changer de Milieu spécifique.
Exemple: Le milieu d'une chenille dite "vers gris" est sous terre et devient les airs après la métamorphose en papillon.
Autre exemple: Le tétard capable de respirer dans l'eau qui devient grenouille capable de respirer dans l'air mais plus dans l'eau.
Mais réduire le Milieu à un espace physique, ne dit pas tout sur ce qu'est un milieu. Les individus vivent rarement seuls et sont en interactions avec ceux de leur espèce à des degrés plus ou moins développés. Il y a toujours une grégarité plus ou moins prononcée. Certains vivent même dans des sociétés très organisées.
Exemple: Les loups en meutes.
Certains, à contrario, sont très indépendants et vivent en solitaire comme les oiseaux de proie, mais ce n'est pas si net que cela. Lire le post sur les rapaces.
Mais attachons nous à ceux qui évoluent dans leur milieu en conjonction avec d'autres membres. Dès lors, on peut dire que leur milieu est la combinaison du milieu naturel strict et de l'environnement social intra-espèce. Cela a pour effet de réduire la PSN sur l'individu.
Exemple: Les oies sauvages qui migrent en groupes et se relaient pendant le vol pour répartir la résistance aérodynamique entre les membres en protégeant les plus faibles.
Il peut aussi y avoir des interactions inter-espèces qui ont le même effet.
Exemple: La symbiose entre mycélium de champignons et arbres, dans laquelle des nutriments sont rendus disponibles à l'autre.
L'adaptation au milieu: Lorsqu'on dit qu'une espèce s'est adaptée au milieu, on prend le risque d'être très mal compris. En lisant cela, on pourrait comprendre qu'il y a un mécanisme qui fait qu'un individu trouve naturellement des ressources dans sa propre personne pour compenser la PSN et qu'il transmet cette compétence à sa descendance. C'est d'ailleurs ce que l'on a imaginé avant Darwin, avant même que l'on découvre qu'il y avait probablement une certaine évolution et transformation des êtres vivants au cours du temps, ce qui, déjà, allait à l'encontre de certaines doctrines religieuses.
C'est un raccourci de langage qui induit en erreur.
Exemple: J'ai entendu un journaliste dans une émission scientifique dire qu'un certain papillon s'était adapté en développant des ondulations au bout de ses ailes, ce qui lui permettait de brouiller le signal d'écho-repérage des chauve-souris et améliorerait ses chance de lui échapper.
Fondamentalement une espèce ne s'adapte pas. Encore moins un individu. C'est le milieu qui fait évoluer l'espèce en exerçant une PSN sur les individus, et non pas l'espèce qui s'adapte.
On peut simplifier sans trop se tromper ce mécanisme en disant: Si un échantillon plus ou moins limité d'individus possède les facultés de survie dans son milieu et qu'il se reproduit, il transmet ces facultés à la génération suivante.
Vous remarquez tout de suite que la reproduction joue un rôle prépondérant.
Mais, si le milieu change et qu'il exerce la PSN sous une forme légèrement différente, les individus d'une espèce pourront-ils-survivre? Si la PSN est très forte et dépasse un certain seuil, la réponse est non. Alors comment une espèce qui a survécu aux changement de son milieu, a-t-elle évolué en acquérant de nouvelles facultés (ou traits) lui permettant de survivre? Autrement dit, d'où provient l'acquisition de nouvelles facultés supplémentaires au cours du temps? La réponse est la variabilité naturelle.
Variabilité naturelle:
Si des membres d'une espèce, qui se reproduisent, étaient toujours des copies conformes de leur parents, elles ne pourraient survivre dans un milieu qui évoluerait au cours du temps. Il faut que l'espèce évolue au rythme des changements du milieu. C'est ici qu'entre dans la discussion la notion de variabilité naturelle. L'illustration de ce post comporte justement une phrase intéressante qui vous aura peut-être interpelé. "Le hasard propose, la nature dispose".
Bien que cette phrase soit un peu bancale, elle présente un mécanisme qui a été pressenti par Darwin et explicité en introduisant l'idée qu'il y avait besoin d'une variabilité des caractéristiques intrinsèques de chaque individu (ou traits), à sa naissance, pour qu'il ne soit pas la copie conforme de ses parents. Sinon il n'y aurait pas d'adaptation au milieux changeant et donc pas d'évolution de l'espèce. Darwin ne savait pas comment cela fonctionnait mais il savait que c'était nécessaire.
Cette variabilité n'a commencé à être bien comprise que depuis la découverte du génome, de l'ADN qui le constitue et des modes de transmission des gênes. Encore aujourd'hui une quantité inimaginable de mécanismes sont découverts et étudiés pour continuer à comprendre toutes les subtilités de la génétique.
Rappelons que le génome est le manuel de fabrication d'un être vivant et il est transmis à la descendance par les 2 parents par l'intermédiaire des gamètes des 2 parents lors de la fécondation. A l'issue de la fécondation, il s'opère une fusion des 2 sources génomique pour ne faire qu'un seul génome qui sera spécifique à la descendance.
Les mécanismes de fusion sont encore étudiés et pas encore complètement compris. Le seront-ils un jour? D'immenses avancées ont été fait dans ce domaine mais on ne maîtrise pas tous les tenants et aboutissants. Toujours est-il que les scientifiques ont réussi à repérer des séquence d'ADN, des bouts, qui génèrent tel ou tel trait, comme la couleur des yeux par exemple. Ainsi le séquençage du génome humain a-t-il été achevé en 2003.
Donc cette variabilité naturelle est essentiellement la variabilité naturelle du génome avant transmission à la descendance. Cette modification du génome originel, qui est très marginale mais néanmoins réelle, s'opère sous des influences telles que le rayonnement gamma, le contexte chimique auquel des gamètes sont confrontées, et tant d'autres facteurs) qui fait que lors de la reproduction le génome résultant de l'association de gamètes issues de deux individus est non seulement une combinaison de traits des deux parents, mais aussi le produit d'une certaine variabilité qui propose des petites particularités que les parents n'avaient pas et qui semblent être le fruit du hasard. Voilà pourquoi "Le hasard propose".
Par la suite, le milieu, qui accueillera les nouveaux venus (les enfants) en son sein, jouera son rôle de sélection de la nouvelle génération en exerçant la PSN. Ces dernier auront la capacité d'être adapté ou pas, de survivre ou pas. C'est là qu'on comprend la deuxième partie de la phrase "La nature dispose", nature voulant dire milieu naturel, ou tout simplement milieu. Ainsi la phrase "Le hasard propose, la nature dispose" pourrait s'écrire "La variabilité génomique propose, le milieu sélectionne". Personnellement j'ai pour habitude d'écrire "la nature propose, l'environnement dispose" ce qui me semble plus accessible car moins scientifique. Mais cela reste une formulation discutable. En tous cas, cela montre que simplifier la mécanique de la sélection naturelle et la rendre facilement compréhensible par tous est chose peu évidente. C'est bien pour cela que beaucoup de personnes ne la comprennent pas car ils ne font pas l'effort intellectuel nécessaire pour la comprendre.
Quand on a bien compris la notion de variabilité, une simplification triviale du principe de la sélection naturelle (et de l'évolution des espèces qui en découle) pourrait être:
C'est une méthode essais/erreurs. Un trait est essayé, soit ça marche, soit ça marche pas.
La mort et la reproduction sexuée avant de mourir:
La mort est un très bon moyen pour gommer le trait qui ne convient pas ou qui ne sert plus à rien. C'est violent certes, mais pourtant c'est la réalité. D'un point de vue scientifique et en matière d'évolution des formes de vie sur notre bonne vieille terre, la mort est le meilleur outil pour faire le tri entre ce qui est en mesure à se perpétuer et ce qui n'y parviendra pas, pour une espèce. Sans mort pour laisser la place aux futures générations qui changent grâce à la variabilité , il n'y aurait pas d'évolution des espèces.
Pourquoi l'évolution des espèces est-elle nécessaire?
Avec tout ce qui est dit ci-dessus, la réponse semble évidente: Parce que les milieux changent et il faut que les espèces changent au fur et à mesure, pour se perpétuer.
De nos jours, avec la pression anthropique sur les milieux qui les fait changer très vite, notamment le réchauffement climatique beaucoup trop rapide, la question qui se pose est: la variabilité naturelle propose t-elle suffisamment d'individus variés et assez vite? La réponse est NON. C'est pour cela que des espèces disparaissent, que les forêts vont mal, que 60% des vertébrés ont disparu depuis les années 70, etc. Toutes les espèces animales et végétales n'ont donc pas le temps de répondre, par le mécanisme de la sélection naturelle d'adaptation, aux changements de milieux qui n'ont jamais été aussi rapides que depuis que l'humain fait peser son joug destructeur sur l'environnement. On parle aujourd'hui de la 6ème extinction de masse. A la différence des autres extinctions de masse qui étaient dues au volcanisme et autres météorites, celle-ci est l'œuvre des humains, une espèce parmi d'autres. Comme aurait dit ma mère "Mon dieu, qu'ils sont intelligents..."
Conclusion:
Si on ne comprend pas le mécanisme de la sélection naturelle et le temps long dans lequel il s'opère, on ne peut pas comprendre pourquoi tant d'espèces disparaissent.
Si on comprend bien ce mécanisme, on comprend que la seule chance que nous avons de survivre sur cette planète, en tant qu'espèce, est de non seulement cesser d'augmenter notre pression sur les milieux qui constituent l'environnement, mais de la réduire drastiquement. Pourquoi? Tout simplement parce que nous ne pouvons pas vivre sans les autres espèces, pour manger et respirer. La disparition de notre espèce est annoncée, et à plus court terme qu'on ne l'imagine.
Maintenant pour corser un peu les choses...sinon ce serait trop simple...
Espèce: On a parlé dans ce post d'espèce. Mais de quoi s'agit-il, au fond? Pour aborder cela il faut faire un peu d'histoire et un peu de sémantique.
Une définition d'Espèce: Comme dit Wikipédia "L'espèce est l'unité de base de la classification du vivant." C'est vrai et c'est faux, tout dépend de quel point de vue on se place. C'est faux car il n'y a d'unité de base dans le vivant en termes de limites immuables entre des groupes d'êtres vivants. Pour que soit vrai il faut une classification. Attention, Il s'agit d'une vérité dans le monde de la recherche scientifique qui a besoin de classer les objets pour pouvoir les manipuler. La première classification performante et utilisable scientifiquement est celle de Carl Von Linné.
Note: Pour manipuler des concepts scientifiques, il faut passer par des analyses puis des synthèses. Analyser, c'est observer, expérimenter, découper et classer pour identifier des caractéristiques communes ou pas. La synthèse conduit à des théories, des règles qui ensuite permettent d'assoir la science sur un socle qui servira de point de départ pour d'autres analyses et synthèse qui enrichirons progressivement la connaissance. C'est la méthode scientifique. Linné a fait ce que les scientifiques font en appliquant la méthode scientifique. Ce que nous faisons tous sans le savoir en permanence dans notre quotidien, , analyse et synthèse, plus ou moins bien selon notre éducation, car notre cerveau fonctionne comme ça, c'est sa nature. Un formidable organe capable d'analyse et de synthèse entièrement naturel.
Donc Linné et beaucoup d'autres ont cherché à regrouper le vivant dans des "boîtes" appelées espèces. Le critère le plus répandu universellement qui permet de dire si un individu fait partie d'une espèce est qu'il peut s'accoupler avec un autre membre de l'espèce et obtenir une descendance. Ce qu'on appellerai aujourd'hui, la compatibilité génétique.
En contrepoint à la sélection naturelle , peut-on évoquer un autre type de sélection, la sélection artificielle? Oui, dans une certaine mesure si on considère que les humains, pour satisfaire leurs besoins avec le minimum d'efforts, ont, depuis 15 000 ans, exercé sur les autres espèces une pression et une sélection très ciblée en limitant au maximum les effets indésirables de la variabilité naturelle.
Comme dit plus plus haut si un individu survit dans un milieu, cela indique qu'il trouve dans ce milieu ce qui lui est nécessaire pour survivre. L'humain, en créant un milieu spécifique, comme l'enclos, le champ de culture, le potager, pour exploiter le vivant en vue de se procurer des produits pour se nourrir, s'habiller, se chauffer et garantir ses sources d'approvisionnement, a choisi, dans l'éventail du vivant, les espèces qui lui semblaient le plus adaptées à ses objectifs. Non content de cette première étape, il a trouvé le moyen, en imitant sans le savoir, le fonctionnement de la sélection naturelle, c'est à dire de sélectionner les animaux et végétaux captifs pour les transformer progressivement en des espèces complaisantes et fortement domestiquées pour servir l'homme.
A suivre...
Quelques acteurs majeurs dans le domaine de l'évolution des espèces:
Carl Von Linné(1707-1778): Père du concept de biodiversité par son identification de près de 6 000 espèces végétales et 4 400 animales, sa classification s'inscrit dans un contexte historique plurimillénaire où la notion d'évolution des espèces n'existe pas encore, depuis la classification du philosophe grec Aristote, d'une part, et la doctrine biblique créationniste, d'autre part.
Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788) Salué par ses contemporains pour son maître ouvrage Histoire naturelle, les théories de Buffon ont influencé les deux naturalistes qui ont le plus fortement contribué à la compréhension de l'évolution du vivant, Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin.
Georges Cuvier (1739-1832) Un des fondateurs du musée des sciences naturelle de Paris (jardin des plantes à Paris) en posant les bases de la science permettant de classer et de reconstituer les espèces fossiles, par comparaison avec les actuelles .Il est en accord avec les idées fixistes (se référant notamment à la Création divine) et catastrophistes, ce que Darwin réfutera en élaborant le concept de la sélection naturelle.
Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829): La principale différence entre lamarckisme et darwinisme repose sur les mécanismes proposés pour expliquer l'évolution, Lamarck formule une loi de l'usage et du non-usage là où Darwin théorise la sélection naturelle.
Gregor Mendel (1822-1884):communément reconnu comme le père fondateur de la génétique.
Pour être affligé, si le besoin s'en fait sentir, vous avez ceci: https://www.jeuxvideo.com/forums/42-51-59323456-3-0-1-0-les-mecs-qui-croit-a-la-selection-naturelle-rire.htm
Si ça vous fait peur, c'est normal. Vous êtes normal.
JR novembre/décembre 2021
Avertissement: L'évolution en tant que théorie non prouvée à la vie dure. En 2021, il y a encore beaucoup de gens qui n'y croient pas ou considèrent que c'est une théorie parmi d'autre. Aucun n'est un biologiste naturellement. J'en rencontre tous les jours. Mais c'est grave, beaucoup plus qu'on ne l'imagine. Si on n'admet ni l'évolution des espèces, ni que les milieux les contraignent, ni la mécanique de la sélection naturelle, ON NE PEUT PAS COMPRENDRE ni la biodiversité, ni la perte de biodiversité, ni comprendre la responsabilité anthropique. Si trop de gens sont incapables de comprendre tout cela , il n'y aura pas de prise de conscience et de modification des comportements individuels et collectifs. Comprendre l'évolution des espèce est probablement le prérequis essentiel pour être un véritable écologiste responsable de son environnement en toute conscience.
Le pompon, le voici:
C'est Dieu qui a inventé la mécanique de l'évolution qui finit par faire évoluer l'homme à son image.... Ce qui est dit dans ce texte est assez juste, mais le dernier paragraphe laisse perplexe. Au moins ça montre qu'on peut croire en dieu sans remettre en question l'évolution, c'est déjà ça! Mais ça reste de la haute voltige!
JR le 25/12/2021
Comments